Economie
L'AFRIQUE SUBSAHARIENNE
Les enjeux
économiques de la
mondialisation
Adrien Akanni-Honvo*
* Adrien Akanni-Honvo est Maître de conférence à l'Université de Brest et chercheur au DET-FORUM Paris X
Depuis les années 1970, l’Afrique subsaharienne n’a pas connu de phase de croissance rapide et soutenable. Elle se place en queue de peloton des continents en matière de croissance du PIB et du revenu par habitant. Certes, certains pays de la région ont enregistré une dynamique de croissance mais il s’agit le plus souvent de « petites économies » dont les capacités à exercer des effets d’entraînement régionaux ou sous-régionaux sont quasi inexistantes. Il en résulte une situation d’ensemble sombre du continent qui se traduit par sa faible contribution à l’économie mondiale. Mais, l’Afrique subsaharienne ne manque pas d’atouts, qui mieux exploités, peuvent lui permettre d’améliorer son intégration à l’économie mondiale.
Les grands traits de l’evolution interne de l’economie africaine
Fragile croissance de l’économie à long terme
Depuis les années 1970, la croissance économique de l’Afrique subsaharienne ne permet pas d’insuffler une dynamique endogène de développement et par conséquent de relever substantiellement le niveau de vie de la population. La croissance de son produit intérieur brut (PIB) ne dépasse que rarement le taux de croissance de la population (3% par an). Quarante ans après les indépendances, 70% des pays les moins avancés et 80% de ceux ayant un niveau de développement humain faible se retrouvent en Afrique. Selon le rapport de la BAD (Banque africaine de développement, 2000), l’Afrique est le seul continent où le revenu par habitant a diminué, alors qu’il a doublé à l’échelle mondiale au cours des quatre dernières décennies. Après avoir atteint une moyenne annuelle de 3,9% durant les années 1970, la croissance du PIB s’est nettement décélérée au cours des deux décennies suivantes pour tomber en dessous du rythme de croissance de la population. La fragile reprise de ces dernières années ne permet pas d’éviter la stagnation des niveaux de vie de la population.
Mais, ces évolutions moyennes doivent néanmoins être nuancées pour tenir compte de la diversité des situations des pays. Par exemple, le dynamisme économique du Botswana ou de
Source : calculs de l’auteur à partir des données de la Banque mondiale (2002) ,World Development Indicators
Maurice contraste fortement avec l’enlisement de la République Démocratique du Congo (RDC) ou du Togo. Par ailleurs, parmi les quelques pays qui ont enregistré une croissance positive de leur revenu par habitant ont y trouvent principalement les « petits pays » tels que le Botswana, le Lesotho, Maurice ou les Seychelles. Malheureusement, la capacité de ces pays à exercer des effets d’entraînement dynamique au sein de leur espace régional est faible. En ce qui concerne les « pays leaders » du continent, leur retard (Nigeria) ou la lenteur (Afrique du sud) de convergence vers leur propre état d’équilibre, laisse supposer que les niveaux faibles de leur croissance ne sont pas porteurs de croissance pour les autres pays (Akanni-Honvo, 2003). Il en ressort qu’un grand nombre des économies africaines divergent ou au mieux ne convergent que lentement vers les niveaux de croissance mondiaux, voire même vers la moyenne des pays en développement. La croissance économique et le développement ont été freinés pour différentes raisons structurelles dont notamment le manque de capitaux, d’autant qu’une meilleure efficacité des investissements ne vient pas toujours compenser cette faiblesse.
Faible accumulation du capital et de la productivité des facteurs
Les travaux d’analyse sur une quarantaine d’années ont permis d’établir l’importance de l’accumulation du capital et de la productivité des facteurs parmi les déterminants de la croissance économique (Yusuf et Stiglitz, 2002). La formation du capital nécessite la réalisation des investissements et une hausse substantielle du volume d’épargne interne et externe. La Banque mondiale estimait, pour l’Afrique, qu’un taux d’investissement de 25% du PIB était nécessaire pour alimenter une croissance du produit intérieur brut de 6% par an. Or, ce taux n’a été que rarement atteint par la région dans son ensemble. La décennie 1970 a été marquée par la réalisation de projets publics pour le développement du tissu industriel et la mise en place d’infrastructures. Le taux d’investissement atteignait alors en moyenne un niveau proche de ce seuil, mais cet effort d’investissement n’a pas été maintenu au cours des décennies suivantes. Ce qui donne à penser que les mauvais résultats économiques de l’Afrique sont au moins en partie liés au long déclin de l’investissement, notamment depuis 1980 (graphique 1). Mais cette situation n’est pas uniforme. On distingue des pays qui affichaient un taux d’investissement élevé, proche de celui des pays dynamiques de l’Asie (Botswana, Lesotho), ceux dont les résultats en termes d’investissement et de croissance sont mauvais en particulier la Sierra Leone, Madagascar, la RDC et le Tchad. Certains pays, contrairement à la règle générale, où le ratio d’investissement était supérieur à la moyenne, n’ont pas pu améliorer leur croissance économique, du fait de la faible productivité de l’investissement, c’est par exemple le cas de l’Afrique du sud, du Togo et du Zimbabwe (Rapport BAD, 2000).
Dans l’ensemble, la baisse de la part de l’investissement dans le PIB du continent est liée, en grande partie, aux politiques de stabilisation et d’ajustement au cours des années 1980 de crise de la dette, sous l’égide du FMI et de la Banque mondiale, qui se sont traduites le plus souvent par la réduction des dépenses publiques d’équipement. Cette stratégie de marginalisation de l’État a considérablement réduit la capacité de croissance des pays africains, faute de n’avoir pris en compte l’incapacité du secteur privé à se substituer automatiquement et efficacement au secteur public, ainsi que les interrelations entre investissement public et privé, mises en évidence par différentes études infirmant ainsi l’effet d’éviction de l’investissement public suggéré généralement par la littérature économique.
Un autre obstacle, non moins important à l’accumulation de capital, est la faiblesse de l’épargne intérieure. La baisse continue du taux d’épargne intérieure est une des tendances lourdes en Afrique subsaharienne sur la longue période. Ce taux qui était de 19,8% dans les années 1970 a baissé continûment durant les deux décennies suivantes pour s’établir à 15,5% en 2000 contre le double dans les pays d’Asie de l’Est. Cette faiblesse de l’épargne est certes la conséquence de la faiblesse de l’investissement et de la lenteur de la croissance mais aussi de l’absence d’une politique volontariste de mobilisation des ressources intérieures, qui plus est, entretenue par la fuite des capitaux du continent. Au cours des dix dernières années, la libéralisation des mouvements de capitaux dans la plupart des pays africains a renforcé les sorties de capitaux destinées à l’acquisition d’actifs à l’étrangers (immobiliers). Certaines estimations indiquent « qu’un nombre d’officiels africains de premier rang, actuels et passés, détiennent d’énormes comptes nominaux en devises étrangères en dehors de leur continent ». Globalement pour une entrée nette de 1$, correspondait une sortie nette d’environ 9 cents dans les années quatre-vingt et plus de 23 cents dans les années quatre-vingt-dix (contre 31 cents pour l’ensemble des PED).
Cette situation complique la gestion des paiements extérieurs d’autant que ceux qui détiennent ces actifs (le secteur privé) ne sont pas ceux qui ce sont endettés à l’étranger (le secteur public). Sur une longue période, il y a eu une substitution des capitaux extérieurs à l’épargne intérieure qui a conduit en partie au fardeau de la dette, devenu insoutenable. Selon la Banque mondiale, 28 des 46 pays les plus lourdement endettés, se trouvent en Afrique. Une grande partie d’entre eux ont déjà obtenu un ou plusieurs allégements du Club de Paris pour leur dette publique et du Club de Londres pour leur dette commerciale. Il reste que ces allègements n’ont pas permis de ramener les engagements extérieurs d’un grand nombre de pays africains à des niveaux soutenables. En 2000, la valeur actuelle nette de la dette représentait encore 159% des exportations pour l’Afrique subsaharienne dans son ensemble et pour toutes les sous régions ce ratio est supérieur à 200% (le seuil critique fixé par le FMI et la Banque mondiale est de 150%).
Le moins qu’on puisse dire, c’est que cette stratégie de financement extérieur du développement ne s’est pas accompagnée d’une modification substantielle de la structure productive et de la spécialisation internationale d’un grand nombre de pays africains.
L’indigence des structures économiques
Sur le plan sectoriel, depuis les indépendances, la structure productive de l’Afrique subsaharienne n’a pas véritablement changé, sauf rares exceptions. Elle reste dominée par des produits de rente et du capital marchand sur le capital productif. Cette faible diversification se traduit par une forte spécialisation internationale dans un petit nombre de matières premières. Pour un grand nombre de pays africains, plus de 75% des exportations sont couvertes par trois produits ou moins. Certains pays sont aujourd’hui plus tributaire d’un seul produit qu’en 1980, par exemple le Nigeria avec un indice de concentration des exportations qui atteint sa valeur maximale de un en 2000. Néanmoins, quelques pays ont connu une légère diversification de leur économie (Afrique du sud, Maurice, Madagascar, Côte d’ivoire) et certains ont même réussi à construire un avantage compétitif dans les nouvelles activités non primaires (Maurice). Au total, cette absence de diversification rend les pays vulnérables par rapport aux instabilités des termes de l’échange. Mais, plus que des facteurs exogènes, c’est l’indigence des structures économies qui explique, pour une large part, la faible participation de l’Afrique subsaharienne à l’économie mondiale.
La physionomie de l’integration de l’afrique subsaharienne
dans l’Economie mondiale
L’incapacité de l’Afrique subsaharienne à converger rapidement vers le niveau de croissance économique mondiale et à se maintenir au niveau des pays en développement dans leur ensemble, est attestée par une diminution de sa participation à l’économie mondiale au cours des trente dernières années, tant du point de vue de son PIB, de ses exportations, des investissements étrangers que des anciennes et nouvelles technologies de l’information et de la communication.
Développement humain.
Le seul domaine où la contribution mondiale de l’Afrique n’a cessé de progresser depuis les indépendances est sa population, ceci grâce à un taux démographique plus élevé. Mais avec une faible croissance économique, cette évolution de la population devient un handicap. L’Afrique subsaharienne est aujourd’hui à la traîne des autres régions : la pauvreté monétaire et humaine reste encore considérable. Le taux d’alphabétisation est de 60%, très en deçà de la moyenne des pays en développement (73%). L’espérance vie à la naissance ne dépasse guère 49 ans contre 60 ans dans toutes les autres régions du monde. Enfin, 46% des personnes vivant en Afrique subsaharienne sont en dessous du seuil de pauvreté (moins d’un dollar par jour selon le critère de la Banque mondiale) contre15% en Asie de l’Est et Pacifique.
Du fait de la progression du sida, les progrès dans la réduction de la mortalité infantile et de l’allongement de l’espérance de vie sont remis en cause pour un certain nombre de pays africains. Cette pandémie n’est pas sans conséquences non plus sur la capacité productive du continent puisqu’elle touche les groupes d’âge les plus actifs de la population, quels que soient les niveaux de revenu.
Marginalisation productive.
Dans le domaine économique, l’Afrique subit une marginalisation progressive dans le processus de mondialisation. Au cours des trois dernières décennies, la part de l’Afrique subsaharienne dans le PIB mondial, a baissé de plus du tiers. Le continent a décroché aussi par rapport aux autres régions en développement. Estimé à 100 milliards de dollars en 1960, son PIB réel a triplé en quarante ans pour atteindre 320 milliards dollars mais dans la même période celui de l’Amérique latine a plus que quadruplé (Rapport BAD, 2000). L’évolution à la baisse du revenu par habitant dans plusieurs pays africains, comparée à la tendance mondiale croissante, laisse supposer que la plupart de ces pays « n’ont pas profité des avantages de l’expansion de la production et des niveaux de vie mondiaux au cours des cinquante dernières années ». En réalité, les canaux par lesquels la conjoncture économique mondiale influence la conjoncture africaine, sont assez étroits. Cet impact ne s’exerce qu’ indirectement, via les prix des matières premières. Aussi bien les évolutions des marchés financiers, dont la plupart des pays africains sont exclus, que les flux d’investissements internationaux ont un impact direct limité sur les économies africaines. En fait, la conjoncture africaine est plus déterminée en partie par celle de la zone euro qui représente le partenaire économique le plus important que par la conjoncture mondiale. Ce retard de croissance n’est pas sans conséquences sur la position de l’Afrique dans le commerce mondial.
Marginalisation commerciale.
Un autre indicateur du retard de l’Afrique est la faible part de ses exportations dans le commerce mondial. Le déclin des exportations est plus marqué que celui de la production, ceci traduit une perte de compétitivité de la région. Depuis la fin des années soixante, on estime à près de 70 milliards de dollars par an le coût de la perte pour l’Afrique de ses parts du commerce mondial. L’évolution des termes de l’échange explique en partie cette tendance, notamment entre 1950 et 1970 où la détérioration des termes de l’échange a pu contribuer à la baisse de la part relative des exportations africaines. Mais ceci n’explique pas tout puisque depuis 1970, les termes de l’échange se sont pratiquement stabilisés pour l’Afrique dans son ensemble. Moins que les facteurs externes (termes de l’échange, refus d’accès aux marchés extérieurs…), les évolutions internes expliquent pour une large part cette marginalisation progressive du continent. Le retard de croissance, la difficulté, ici plus qu’ailleurs, à transformer les capacités de production en capacité d’exportation et l’incapacité des pays africains à diversifier leur production pour passer à des produits nouveaux et dynamiques et donc à diminuer sa part du marché de biens traditionnels, sont des facteurs qui jouent en faveur non seulement de la marginalisation commerciale mais aussi financière de l’Afrique.
Marginalisation financière.
La répartition internationale des activités des firmes se fait au détriment de l’Afrique. Depuis la décennie des années quatre-vingt , la part africaine des flux entrants des investissements directs étrangers (IDE) est en régression (graphique 2 ).Au cours des années mille neuf cent quatre-vingt-dix, la forte progression des flux IDE vers les régions en développement a, dans une large mesure, négligé l’Afrique. Pour la période 1990-97, la part de l’Afrique n’a représenté que 5% de ces flux évalués à 470 milliards de dollars, ce qui représente que 1 % du PIB contre 2% en moyenne dans l’ensemble des pays en développement. Mais cette évolution doit être fortement nuancée. En fait, il existe une sélectivité des capitaux privés qui se traduit dans la région par une forte concentration de ces flux au tour de quelques pays . Dans les années 1970, aussi bien les pays pétroliers que l’Afrique du sud, la Côte d’Ivoire, le Cameroun, le Kenya recevaient une proportion significative des investissements étrangers dans le monde, par la suite, dans les décennies suivantes, seuls les pays pétroliers et miniers ont été privilégiés. En revanche, l’industrie de transformation a reçu peu d’investissements nouveaux. Qui plus est, alors que dans cette même période l’expansion des investissements directs entrants dans le monde a été nettement plus forte, il est permis de penser que l’Afrique est restée en marge du mouvement de mondialisation qui s’est caractérisé par les opérations de délocalisation et de relocalisation des investissements industriels dans les pays émergents.
L’évolution des autres flux de capitaux privés (obligations et prêts bancaires) accentue encore la mise à l’écart de l’Afrique subsaharienne dans l’allocation internationale des capitaux. Depuis le milieu des années 1980 de crise de la dette, cette région ne reçoit pratiquement plus de ces flux. Les créanciers privés sont de moins en moins enclins à détenir des créances sur les pays africains. Et les allègements ou annulations partielles de dette, dont ces derniers ont bénéficié, n’ont pas permis de rétablir leur crédibilité internationale sur les marchés financiers. Pour la plupart de ces pays, le financement public (aide et prêts bilatéraux et multilatéraux) constitue désormais la principale source extérieure de financement. L’Afrique est la région du monde la plus tributaire de l’aide publique au développement (APD), du moins jusqu’en 1998. Mais, durant toute la décennie des années 1990, sa part relative dans le total de l’APD au PED a continument baisé (d’aucuns parlent de « la fatigue de l’aide ») pour atteindre 30% en 2000 contre 40% en 1990. La reprise globale de l’aide aux pays en développement à partir de 1997, après la chute dans les années antérieures, n’a donc pas favorisé l’Afrique. Il y a eu un redéploiement des ressources en faveur d’autres régions en développement, notamment l’Asie du sud devenu depuis lors le premier bénéficiaire de l’APD.
Fossé numérique.
Dans une économie mondiale de plus en plus fondée sur la connaissance et l’information, le décalage de l’Afrique dans la production du savoir est encore plus grand que celui du revenu par tête. L’indicateur de l’activité scientifique ou technologique, mesuré par le nombre de publications et de brevets (la bibliométrie), indique que l’Afrique compte pour moins de 1% (0,5% pour l’Afrique du sud) (Hugon,2002). On note également une grande faiblesse des dispositifs scientifiques nationaux ou régionaux avec une tendance à ce que d’aucuns appellent un « dutch disease» intellectuelle (fuite des cerveaux vers les pays riches et appauvrissement des centres de recherche africains). Mais, cette vue d’ensemble doit être nuancée pour tenir compte de la différence des situations des pays. Si la Côte d’Ivoire est le pays caractéristique où les professeurs de faculté (notamment Abidjan, qui détient le nombre record d’une quinzaine de professeurs en Afrique francophone ) sont de plus en plus tentés par la fuite hors de l’enseignement et de l’encadrement doctoral et par la course à la consultation (Kern, 2002), à l’inverse, l’Afrique du sud se singularise par le développement d’un réseau efficient de recherche et de formation supérieure (30% de la production scientifique du continent avec 13500 chercheurs ) (Hugon, 2002). Par ailleurs, l’Afrique perd aussi du terrain au niveau du potentiel éducatif. Le taux de scolarisation11 Nombre d’enfants inscrits dans un cycle d’enseignement exprimé en pourcentage du nombre d’enfants appartenant au groupe d’âge correspondant à ce cycle) , entre 1960 et 1980, a sensiblement augmenté pour toutes les régions en développement. Cette progression a continué partout après 1980, sauf en Afrique. Néanmoins, le taux de scolarisation reste relativement bon dans un grand nombre de pays africains, en moyenne 76%. Mais, ce taux doit être fortement nuancé car moins de la moitié seulement des enfants d’âge scolaire achèvent leur cycle primaire (48 % contre 66% en Asie du sud et 61% en Amérique latine).
Ces évolutions sont préjudiciables à la capacité africaine à utiliser les technologies de l’information et de communications (NTIC) au service du développement et aussi à profiter des avantages de l’ère des réseaux mondiaux (association des évolutions technologiques actuelles et la mondialisation). Une évaluation globale, à partir de l’indicateur du développement technologique (IDT), élaboré par le PNUD, permet de montrer le fossé numérique entre l’Afrique et les pays leaders. Dans le classement du PNUD , aucun pays africains n’est cité au rang de leader ou de leader potentiel. Le premier pays africain du classement, l’Afrique du sud, occupe la 39 ème place et est au deuxième rang des utilisateurs dynamiques des (NTIC). Les sept autres cités (Zimbabwe, Sénégal, Ghana, Kenya, Tanzanie, Soudan et Mozambique) se placent dans le bas du classement de cette même catégorie. Tous les autres pays de l’Afrique subsaharienne sont en marge ou « invisibles ». Le fossé est tout aussi grand en termes de la proportion de la population touchée par les NTIC. Même si le continent a réalisé des progrès, le niveau reste faible. En 2000, Internet ne touche que 0,4% des africains (0,1% en 1998) contre 50% à Hong Kong et aux États-Unis. Cette fracture dans la diffusion des technologies récentes ne date pas hier, la diffusion des technologies anciennes s’est aussi ralentie. Alors que le téléphone existe depuis plus d’un siècle, on compte sur 100 habitants que 2,2 lignes d’abonné pour l’Afrique contre 37 pour l’Europe.
Ainsi, apparaît-il un enlisement inexorable de l’économie africaine au cours de ces trois dernières décennies alors qu’au même moment l’économie mondiale connaît une révolution technologique. Néanmoins, quelques lueurs d’espoir se dessinent dans les évolutions récentes de cette partie du monde.
EVOLUTIONS RECENTES ET PERSPECTIVES ECONOMIQUES
L’économie africaine connaît une certaine amélioration depuis la fin des années 1990. Contrairement aux années 1980 et une partie de la décennie des années 1990, ce rebond concerne une grande partie du continent. Entre 2000 et 2002, près de 27 pays d’Afrique subsaharienne sur 45 ont enregistré une croissance de leur PIB réel de plus de 3% contre 17 pays en 1992. Cette embelli devrait se poursuivre et atteindra environ 38 pays dans la période 2003-2004 selon les prévisions du FMI.
Pour l’Afrique subsaharienne, la croissance du PIB réel est actuellement de 3,5% et devrait atteindre un peu plus de 5% en 2004. L’évolution s’accompagne d’une relative maîtrise de l’inflation qui est passée d’un maximum de 41% en 1996 à environ 16 % en 2002. Cette performance a été réalisée au prix de réformes structurelles coûteuses qui ont contribué à fragiliser les couches sociales les plus vulnérables.
Toutefois, les évolutions enregistrées sont différenciées selon les régions. Alors que l’Afrique Centrale et dans une moindre mesure l’Afrique de l’Ouest croissent à un taux supérieur à 3% entre 2000 et 2002, l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe n’ont progressé que respectivement de 2,4% et 2,6% en moyenne. En 2003 et 2004, si les prévisions se confirment, la hiérarchie des dynamiques régionales devrait être à peu près la même, à la différence que toutes les régions connaîtront une progression supérieure à la croissance de la population (graphique 3). L’Afrique centrale apparaît comme la région la plus dynamique du continent. Mais cette observation doit être nuancée car les performances économiques de la région restent fortement liées aux économies de la Guinée équatoriale et du Tchad (avec la perspective des ressources pétrolières) qui ont enregistrées des taux à deux chiffres sur la période. Par ailleurs, ces évolutions du continent sont moins portées par les pays leaders (Nigeria, Afrique du sud) que par les petits pays. Hors ces deux pays le rythme de croissance de l’Afrique subsaharienne est plus élevé pour les deux périodes. Ceci confirme la faible capacité de ces pays à constituer des pôles d’entraînement en dépit de leur potentiel économique (Akanni-Honvo, 2002).
Cependant, l’Afrique subsaharienne aura besoin d’une croissance durable et plus rapide pour atteindre les objectifs de développement du millénaire. Ces objectifs, à l’horizon 2015, sont de trois ordres :
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bien-être économique : réduire de moitié la proportion de personnes ayant moins d’un dollar par jour pour vivre, des individus souffrant de la faim et des individus privés d’accès à l’eau potable;
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développement humain : scolarité primaire universelle dans tous les pays ; assurer l’égalité des populations féminine et masculine à l’éducation ; réduire la mortalité maternelle de trois quarts et celle des enfants de moins de cinq ans de deux tiers ; freiner la propagation du virus VIH et du sida, ainsi que du paludisme et des autres grandes maladies, et commencer de les faire reculer ;
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durabilité et régénération de l’environnement : mettre en œuvre des stratégies nationales de croissance socialement responsable et non destructrices de l’environnement.
Pour l’Afrique, le chemin sera difficile car certains de ces objectifs nécessitera un taux de croissance supérieur à celui obtenu au cours de ces trois dernières décennies. Par exemple, on estime que, compte tenu du taux démographique, une croissance annuelle d’au moins de 5% est nécessaire pour que l’Afrique maintienne le nombre de pauvres à un niveau constant. Pour réduire ce nombre de moitié d’ici 2015, les estimations font état d’une baisse annuelle de 4% de la proportion de la population qui vit en dessous du seuil de pauvreté. Ceci impliquera, pour l ‘Afrique subsaharienne dans son ensemble, un taux de croissance économique annuel de 7% avec une répartition équitable du revenu. Mais, cette évaluation moyenne cache des variations parmi les sous-régions. Alors que l’Afrique du sud n’aurait besoin que d’un taux de 5-6% il faudrait des hausses de 6-7% pour l’Afrique Centrale et de 7-8% pour les sous-régions de l’Ouest et de l’Est de l’Afrique. Les récents débats sur le choix entre croissance et lutte contre la pauvreté sont futiles. De même qu’une croissance équitablement répartie profite aux pauvres de même qu’une stratégie de réduction de la pauvreté qui n’est pas basée exclusivement sur la redistribution du revenu peut être bonne pour la croissance. Pour ce double objectif, l’Afrique subsaharienne doit inscrire la lutte contre la pauvreté dans une dynamique de croissance économique. Pour ce faire, la pauvreté doit donc être un élément central des stratégies économiques des pays africains.
Diversifier la structure productive et dynamiser le secteur manufacturé
L’Afrique subsaharienne doit fonder ses perspectives de croissance sur la diversification de la structure productive et la dynamisation du secteur manufacturé. Pour se faire, elle ne manque pas d’atouts notamment dans les secteurs pétrolier et minier qui représentent respectivement 15% et 10% des exportations mondiales de pétrole et de gaz. D’autres ressources naturelles toutes aussi abondantes sont exploitées sur le continent. Malgré ce riche potentiel, les gouvernements africains ont été jusqu’ici incapables d’en tirer parti pour amorcer la restructuration de leurs économies. L’Afrique subsaharienne doit radicalement sortir d’une spécialisation de type colonial, fondée sur les mêmes produits primaires depuis plus de quarante ans, en utilisant les ressources de ces produits de base pour diversifier la production et dynamiser le secteur manufacturé. L’exemple de Maurice, depuis le début des années 1980, qui a enregistré une croissance remarquable, illustre combien la diversification économique et le dynamisme de la production manufacturière permettent de réduire la vulnérabilité aux instabilités des prix internationaux et d’assurer une croissance soutenue. En revanche, la plupart des pays pétroliers quasi mono-exportateurs ont registré une croissance minime (Nigeria, Gabon). Cette stratégie sera non seulement utile pour faire reculer la pauvreté mais aussi pour assurer à l’Afrique une meilleure insertion dans l’économie mondiale.
Cependant, si l’accélération de la croissance économique est une condition nécessaire elle n’est pas suffisante pour réduire de manière significative la pauvreté. L’amélioration du revenu qu’autorise la croissance économique (la réduction de la pauvreté monétaire) n’est qu’un aspect de la lutte contre la pauvreté. L’investissement dans le capital humain (éducation et formation) est un autre aspect sur lequel les efforts sont indispensables en Afrique pour améliorer la situation de nombreux africains dépourvus de soins médicaux, de l’éducation et les « accès aux intrants dont ils ont besoin pour apporter leur contribution à cette croissance accélérée et en bénéficier ». Par exemple, si la scolarisation en Afrique subsaharienne se fait au même rythme qu’entre 1990 et 1997, on estime que seulement 21 des 43 pays de la région atteindront un taux brut de 100% en 2015 ; 9 se rapprocheront de ce taux et les 13 autres seront à la traîne. L’amélioration du taux de scolarisation passera aussi bien par les solutions traditionnelles (construction de nouvelles écoles, recrutement d’enseignants) que par la réduction des coûts directs liés à l’éducation (frais d’inscription et d’activités annexes, uniformes, fournitures scolaires) souvent hors de portée des familles pauvres. A cet égard, les évolutions récentes dans le cadre du traitement de la dette des pauvres (l’initiative PPTE) vont dans le bon sens. En effet, l’initiative PPTE permet aux pays concernés d’allouer une partie des économies dégagées de la réduction de la dette aux secteurs sociaux. A ce titre, sur la base de l’analyse des données budgétaires de 10 pays africains bénéficiant de l’initiative, la part des économies liées au PPTE consacrée au sida était estimée en 2001 à 5% soit 32 millions de dollars. Mais, l’efficacité du programme souffre d’un certain nombre de limites. Compte tenu du caractère fongible des capitaux, il n’y a pas d’automaticité entre les économies réalisées sur le service de la dette et l’allocation de ces ressources aux projets de réduction de la dette. Un deuxième problème est celui de l’accessibilité des pauvres à ces services sociaux. Même si on admet que les ressources dégagées sont bien utilisées dans les secteurs tels que l’éducation, la santé, les infrastructures, rien ne garanti que les pauvres auront effectivement accès à ces services. Quoiqu’il en soit, il est admis que la valorisation du capital humain n’est pas une fin en soi, elle est aussi un outil essentiel du progrès technologique et donc de la croissance économique. Le relèvement du niveau d’instruction joue un rôle particulièrement important dans l’élaboration et la diffusion des techniques.
L’Afrique peut se servir des NTIC pour inscrire efficacement la réduction de la pauvreté dans une dynamique de croissance durable. Les dépenses mondiales consacrées aux NTIC devraient atteindre 3000 milliards de dollars en 2003 contre 2200 milliards en 1999, d’autre part, on estime aujourd’hui à 25 milliards le nombre de pages Internet accessibles au public et chaque jour, ce sont 7,3 millions d’autres qui viennent s’y ajouter. Ces développements offrent d’immenses possibilités de communication, d’éducation et de transactions dont peuvent profiter les pays en développement. L’Afrique ne peut donc se permettre de se mettre en dehors de ces évolutions. Le développement des NTIC est une opportunité de développement et constitue en soit un facteur d’entraînement. Même si le risque que l’Afrique se fasse ici aussi distancer existe, il est compensé par les avantages potentiels que le continent peut en retirer. De plus, leurs impacts ne se mesurent pas nécessairement par rapport au niveau de leur accumulation mais à l’accumulation des capacités à les utiliser. L’accès aux informations et la réduction des coûts de transaction sont deux canaux par lesquels les NTIC peuvent avoir des effets favorables à la fois sur le développement humain (demande d’éducation et de formation) et sur la croissance des économies africaines (élargissement des marchés par réduction des coûts de transports, amélioration du capital social entre les agents économiques). Par exemple, pour envoyer un document de 40 pages de Madagascar à la Côte d’Ivoire, il faut 5 jours par la poste, 30 minutes par télécopie et environ 2 minutes par courrier électronique avec la possibilité de distribution simultanée à plusieurs personnes(en fichier attaché) pour le prix d’une seule. D’autres nouvelles technologies progressives peuvent contribuer à accélérer le développement des pays africains. Il en est ainsi de la télédétection permettant des prévisions agricoles et la gestion des stocks (système d’alerte) qui peuvent fortement améliorer les écosystèmes et réduire les dépendances alimentaires ou énergétiques.
Dans la plupart des pays africains l’accès d’une majorité de la population à ces nouvelles technologies de l’information et de la communication constituera un véritable défi, du fait de la faiblesse des revenus et du sous équipement en infrastructures classiques de télécommunication (lignes, électricité et câbles). Mais, ces limites doivent être nuancées pour tenir compte du fait que les NTIC (Internet) ont un fort contenu en externalité, plus le nombre de personnes connectées est élevé plus le réseau se développe et plus le coût d’accès va diminuer. D’autre part, les nouvelles technologies satellitaires pourraient permettre à l’Afrique de faire un saut technologique en développant par exemple des micro-stations moins coûteuses que la plupart des circuits internationaux loués par les opérateurs publics de télécommunication. D’autres solutions satellitaires envisagées et mises en œuvre dans la région devraient être encouragées. En fait, aujourd’hui, il n’y a aucun obstacle technologique à l’accès à l’Internet, tout endroit du globe, même isolé sans téléphone ni électricité peut être connecté à Internet grâce à une antenne parabolique et l’énergie solaire. La contrainte financière est l’obstacle essentiel à cet accès et justifie une collaboration régionale ou sous-régionale.
Une approche régionale du développement
L’intégration régionale et l’intensification de la coopération peuvent constituer une des principales sources potentielles du développement dans cette région du monde. La mise en commun des compétences et des moyens permet aux petits pays de surmonter l’obstacle de la taille. Ceci d’autant que l’Afrique est souvent perçue par les opérateurs économiques comme une région constituée « de petits marchés handicapés par les lourdeurs administratives, une infrastructure matérielle et un capital humain mal adaptés aux besoins. L’exemple chinois montre qu’une très grande taille du marché et un solide potentiel de croissance de long terme constituent d’importants facteurs d’attractivité des investissements étrangers. Ainsi, l’approche régionale du développement est-elle essentielle, non seulement pour stimuler les flux commerciaux intra-africains mais aussi pour encourager les investissements grâce à l’élargissement du marché et la réalisation des économies d’échelle. Mais, le bilan actuel de l’intégration économique en Afrique est assez loin de se schéma vertueux. En dépit d’un nombre impressionnant d’accords régionaux (près de 200), les échanges intra-africains contrastent fortement avec ceux d’autres régions en développement avec seulement 10% du commerce total contre plus de 40% pour l’Asie et autour de 25% en Amérique latine.
Parmi les multiples facteurs qui expliquent la faiblesse de l’intégration commerciale en Afrique, on peut citer entre autres, l’absence de diversification des structures productives, le faible degré de complémentarité des économies et le manque d’infrastructures de communication. Néanmoins, depuis le milieu des années 1990, l’Afrique connaît une réactivation des regroupements régionaux qui a permis la mise en œuvre des dispositions contribuant à la libéralisation des échanges. Certains regroupements régionaux (UEMOA) ont créé un cadre réglementaire commun qui s’appuie sur les harmonisations statistiques, comptables, juridiques, les systèmes de surveillance multilatérale des politiques macroéconomiques. Toutes ces initiatives sont utiles car elles vont dans le sens d’une approche régionale des investissements. Mais pour contribuer à l’approfondissement de l’intégration régionale en Afrique elles doivent s’accompagner d’un renforcement de la coopération sectorielle à travers le développement régional de facteurs générateurs d’externalités et d’économies d’échelle : infrastructures de transport et de communication, énergie.
Par ailleurs, si l’intégration régionale peut constituer un axe important pour une meilleure insertion, en améliorant l’accès des producteurs africains aux marchés régionaux, elle peut aussi grâce à la coordination des politiques internationales des pays membres, permettre aux africains de peser sur l’OMC (ils représentent 27% des membres) pour faire évoluer le cadre des échanges internationaux en faveur de l’intégration des pays pauvres dans le système du commerce mondial et amener les pays industrialisés à ouvrir davantage leurs marchés aux exportations africaines. Déjà, on observe des tendances favorables à l’accessibilité des marchés des pays industrialisés. La loi américaine sur le commerce avec l’Afrique, l’African Growthe and opportunity Act (AGOA) prévoit un accès accru des produits africains aux marchés américains, certes, dans une certaine limite. De même, le programme de l’Union Européenne « Tout sauf les armes » prévoit un accès en franchise et non contingenté pour tous les produits en provenance des pays les moins développés, quoiqu’avec des restrictions temporaires pour les bananes, le riz et le sucre. Pour accomplir des progrès plus substantiels et plus permanents dans l’accès aux marchés extérieurs, les pays africains doivent renforcer leurs accords d’intégration régionale et tirer parti des moyens d’accroître leur pouvoir de négociation dans le système commercial mondial. Néanmoins, l’Afrique subsaharienne ne peut concevoir son avenir sans une organisation régionale, d’autant qu’aucun des pays (sauf peut être l’Afrique du sud) n’est en mesure de répondre seul aux nombreux défis du développement.
Quelles ressources pour le développement ?
Face aux multiples défis de développement, les besoins de financement de l’Afrique subsaharienne sont énormes. Selon certaines estimations pour parvenir à un revenu moyen de 2 dollars par habitant par jour en 2010 (seuil de pauvreté dans l’approche de la Banque mondiale) l’Afrique subsaharienne, compte tenu de la croissance démographique, devrait assurer chaque année un niveau d’investissement de 150 milliards de dollars, soit trois fois son niveau d’épargne actuelle. D’autres évaluations géographiques ou sectorielles confirment l’ampleur et la nature du fossé à combler. Par exemple, pour le seul secteur éducatif, les études pour l’élaboration des documents de stratégie pour la réduction de la pauvreté (DSRP) au Burkina Faso, en Guinée, au Niger et au Sénégal, indiquent un besoin de financement total pour ces quatre pays de 487 millions de dollar(soit 4% du PIB contre 2,9% actuellement) s’ils veulent atteindre l’objectif de 2015 (l’accès de tous les enfants à l’éducation primaire) sans modifier leurs politiques actuelles. Pour une amélioration de la qualité de l’enseignement leur besoin de financement s’élèvera à 683 millions dollar (5% de leur PIB).
Contrairement à l’idée générale, il nous semble que la principale contrainte de financement du développement en Afrique n’est pas la dette extérieure mais l’épargne intérieure. Dans une perspective de croissance de long terme, l’Afrique subsaharienne ne peut assurer ces besoins sans un effort accru en matière de mobilisation de l’épargne intérieure qui doit constituer la première priorité en matière de financement d’un développement durable. Des réformes structurelles (même politiquement risquées) doivent être entreprises pour mobiliser le potentiel des ressources locales. Quarante ans après les indépendances, l’épargne africaine n’a que très faiblement augmenté. La faiblesse du revenu ne justifie pas tout, la base taxable peut être élargie dans de nombreux pays où l’immobilier bâti et non bâti échappe à la fiscalité et où la spéculation immobilière est une pratique généralisée. Les innovations financières et fiscales seront nécessaires. Parallèlement, des efforts doivent être entrepris pour favoriser le retour des capitaux qui ont fui le continent. Cette approche du financement endogène est d’autant plus justifiée que ces pays doivent désormais apprendre à vivre avec une aide réduite.
En dépit du consensus de Monterrey sur la nécessité de l’aide pour faire reculer la pauvreté dans le cadre du programme PPTE et des intentions de certains des principaux bailleurs de fonds d’augmenter les flux d’APD22 L’Union européenne annoncé des projets qui devraient porter le total de l’APD à 0,39% du PIB d’ici à 2006 et les Etats-Unis ont indiqué qu’ils augmenteraient le montant annuel de leur aide au développement de 5 milliards de dollars (une augmentation de 50%) d’ici à 2006. d’ici à 2006, l’Afrique ne doit pas s’attendre à une augmentation substantielle de l’aide, car d’une part, de fortes incertitudes pèsent sur la capacité des bailleurs de fonds publics à honorer leurs engagements dans un contexte de déficit budgétaire et de niveau élevé de chômage et d’autre part le nombre de bénéficiaires augmente.
Il est vrai que l’Afrique, pendant longtemps encore, aura besoin de ressources financières extérieures mais elle doit réduire sa dépendance à l’égard de l’aide et renforcer sa capacité à attirer des investissements directs étrangers (IDE) qui constituent un financement non générateur de dette. L’IDE est porteur de capitaux, de marchés, de technologies et des modes de gestion qui contribuent à l’amélioration de la compétitivité des entreprises et des économies. Mais l’expérience montre que la part de l’investissement étranger direct qui va vers l’Afrique est très faible et concentrée dans les quelques pays riches en minéraux. Cependant, bien que le niveau d’IDE en Afrique reste relativement faible, pour un grand nombre des pays africains (20 pays sur 30) ce niveau est en dessous du niveau potentiel de l’IDE entrant mesuré par la CNUCED sur la base de facteurs structurels. Il semble donc qu’outre leurs faiblesses structurelles d’attractivité, la plupart des décideurs de ces pays manquent aussi de dynamisme pour promouvoir leurs économies auprès des investisseurs étrangers. Cependant, on observe une certaine amélioration par rapport à la moyenne des flux annuels d’IDE de la fin de la décennie des années 1980 (Rapport CNUCED 2002).
Les dominantes africaines récentes sont riches à cet égard d’éléments positifs : résultats macroéconomiques généralement bons, réalisation par les entreprises de profits satisfaisants, rentabilité convenable des capitaux investis supérieure parfois à celle obtenue dans d’autres régions du monde, des réformes politiques et un renouveau politique vers plus de démocratie. Compte tenu de ces évolutions positives certains fonds spécialisés dans les marchés émergents et la Société financière internationale (filiale du groupe Banque mondiale) commencent maintenant à admettre l’Afrique comme un site potentiel d’investissement. Par ailleurs, les secteurs pétroliers et miniers africains peuvent encore attirer un volume important d’IDE. En effet, « dans un jeu pétrolier plus ouvert, caractérisé par des évolutions technologiques et par une nécessité de diversification des risques, l’Afrique sera un enjeu stratégique pour le pétrole et dans une moindre mesure pour les produits miniers notamment en Afrique du sud » et le large des côtes occidentales de l’Afrique où existent des réserves encore inexploitées les plus riches du monde. Les spécialistes estiment ces réserves entre 15 et 20 milliards de barils. A cet égard certaines multinationales pétrolières, non les moindres, ((Elf Aquitaine, Shell, ou Bristish Petroleum) envisagent des investissements de l’ordre de 40 à 60 milliards de dollars, au cours des deux prochaines décennies, dans des travaux de prospection et de mise en exploitation dans la zone. Mais des tendances récentes montrent aussi une évolution de la composition sectorielle des flux d’IDE vers le continent africain. Ces flux dans le secteur des services (banque, finance et assurance notamment) sont devenus aussi importants que ceux dans le secteur primaire, en particulier le pétrole au cours de ces deux dernières années.
A.A.-H.
Notes:
1 Nombre d’enfants inscrits dans un cycle d’enseignement exprimé en pourcentage du nombre d’enfants appartenant au groupe d’âge correspondant à ce cycle)
2 L’Union européenne annoncé des projets qui devraient porter le total de l’APD à 0,39% du PIB d’ici à 2006 et les Etats-Unis ont indiqué qu’ils augmenteraient le montant annuel de leur aide au développement de 5 milliards de dollars (une augmentation de 50%) d’ici à 2006.