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Actualités
01.07.2008
-  élections
Bienvenue
L E S   C A H I E R S   D E 
             L ' A F R I Q U E
            R e v u e   d'é t u d e   e t   d e   r é f l e x i o n   s u r   l e   m o n d e   a f r i c a i n













Les efforts de paix
en danger

                                                                                                                  
                                                                                         





  L’année 2004 commence mal dans la Corne de l’Afrique. région hautement stratégique en raison de sa position géographique, séparée de la péninsule arabique par la mer rouge, elle constitue une étape importante sur la route qui va de l’Océan indien à la Méditerranée. Les foyers de turbulences nationaux et frontaliers, qui la traversent, peuvent à tout moment, se transformer en conflit ouvert et l’affecter dans son ensemble.

 Au Soudan, la province du Darfour connait une flambée de violence meurtrière à un moment où les perspectives de paix entre le Nord et le Sud n’ont jamais été aussi prêtes  à aboutir.

 À l’est, le spectre de la guerre rôde, à nouveau, autour de la frontière éthio-érythréenne et la sécurité alimentaire menace encore certaines parties de l’Éthiopie. L’absence d’un État central en Somalie et la confusion généralisée qui y règne depuis une décennie, exacerbe les affrontements entre les « seigneurs de la guerre ». La république autoproclamée du Somaliland, toujours ignorée par la communauté internationale, entretient des relations très tendues avec son voisin du Puntland. Seule,  Djibouti donne des apparences de stabilité.

 Ces événements reposent sur un enchevêtrement de données géopolitiques, économiques, religieuses et ethniques qui alimentent les dynamiques conflictuelles. Les désastres humanitaires récurrents – les déplacements massifs de populations au Soudan, l’insécurité alimentaire chronique qui touche 8 millions d’Ethiopiens, les massacres commis par les rebelles dans le nord de l’Ouganda  - réduisent encore un peu plus les opportunités de paix et de stabilisation dans la région.

 Depuis plusieurs mois, la communauté internationale multiplie les initiatives diplomatiques. La France a rétabli le contact avec Khartoum et les Américains, depuis le 11 septembre, considère cette région capitale dans leur dispositif de lutte contre le terrorisme international ; parallèlement aux pressions politiques et économiques - au Soudan, en l’Éthiopie -, leurs effectifs militaires ont été renforcés, notamment à Djibouti.

 Témoignant des évolutions géopolitiques en cours, le Soudan revient sur la scène politique internationale. Longtemps isolé pour cause de soutien au terrorisme, le géant islamique de la région a fait l’objet de sanctions de la part de l’ONU en 1996 ; aujourd’hui, le dialogue a repris avec Washington et l’Union européenne. Mais c’est à l’intérieur que les déséquilibres menacent l’unité du pays. Riche en pétrole,  le Soudan est en proie depuis un demi-siècle à des affrontements entre le Nord arabe et musulman et le Sud africain, chrétien et animiste. Le père Hubert Barbier retrace la chronologie du processus d’arabisation et d’islamisation mis en place depuis l’indépendance en 1956.  Un long processus de négociations de paix  a abouti à la signature, le 7 janvier 2004 d’un accord de partage des richesses ; mais un nouveau chapitre sanglant s’est ouvert au Darfour. Le drame humanitaire : un million de personnes errent le long de la frontière tchadienne. Le fragile processus de paix est à nouveau en danger.

 Autre zone de turbulence chronique, la Somalie qui vit, depuis la chute de Siyad Barre en 1991, dans un état d’anarchie complet. Pour occuper le vide politique, diverses formes d’administration ont surgi, basés sur ce qui focalise la société somalienne : le clan. L’appartenance clanique est un élément essentiel dans la vie de tous les Somaliens, explique Marleen Renders qui analyse comment l’administration du Nord autoproclamé Somaliland, a  mis en place un système multipartite qui prévaut sur les arrangements claniques. Les tentatives de réconciliation inter somaliennes ont échoué depuis une décennie, et cet exemple de transition démocratique reste bien isolé. Cependant, cet état que la communauté internationale refuse toujours de reconnaître, entretient des relations extrêmement tendues avec son voisin du Puntland - également autoproclamé – qui peuvent déboucher sur un nouveau conflit meurtrier.

  Le tracé de la frontière éthio-érythréenne est une autre source de tension car l’accord de paix d’Alger, imposé par la communauté internationale pour mettre fin au conflit meurtrier entre les deux pays en décembre 2000, n’a pas levé toutes les ambiguïtés. Les quelques arpents de terre du village-symbole de Badme, attribués à l’Erythrée par la commission de la frontière, sont également revendiqués par l’Ethiopie. Cette décision peut ruiner les efforts de paix et ramener les deux parties à la case départ. Pour Negede Gobezie, c’est l’impasse totale. L’auteur souligne les incohérences dans l’exégèse des traités coloniaux par la commission alors que les populations n’ont pas été consultées. Les problèmes sont trop complexes pour une approche simpliste de la communauté internationale qui perçoit le conflit éthio-érythréen comme une simple et classique querelle de frontière entre deux états voisins. La démarcation échouera car il est fait abstraction des aspirations des populations concernées, et de la révolte de centaines de milliers d’Ethiopiens incorporés de force dans un autre pays. L’auteur appelle au dialogue  par le biais de régimes démocratiques.

  Chacun campe sur ses positions, l’impasse semble totale même si aucune des deux parties n’a intérêt à recourir à la force. Mais les pressions des forces politiques, les jeux de surenchère des appareils des partis pourraient bien transformer les tensions existantes en conflit ouvert.

  Les considérations de politique intérieure,  en Ethiopie comme en Erythrée, pèsent lourd dans le différend frontalier et compliquent la résolution du problème, un problème, rappelle Cyril Musila, qui est révélateur de nombre d’autres frontières en Afrique. Hérités de la colonisation, les tracés sont au centre de la compétition  entre des pays à la recherche d’hégémonie régionale.

  Johachim Persoon s’intéresse dans ce numéro au rôle joué par la religion et particulièrement l’Eglise orthodoxe en Ethiopie et en Erythrée. L’intimité du religieux et du politique apparaît dans la méfiance voire l’hostilité dont les Eglises sont l’objet. En Ethiopie,  le gouvernement se méfie du lien entre Eglise nationale et sentiment patriotique car il va à l’encontre de sa politique fédérale, tandis qu’en Erythrée, le contrôle central sur l’Eglise a été renforcé par un ministère des Affaires religieuses. La récente guerre frontalière a conduit le gouvernement à davantage d’intolérance vis-à-vis des chrétiens protestants considérés comme des éléments de subversion. La religion a été traditionnellement un moyen de mobilisation de la population et a joué un rôle important dans le développement de la société civile, dans la vie quotidienne des populations. Elle exerce une influence directe sur la politique.

  Les conflits politico-militaires et les situations de détresse alimentaire entraînent à chaque fois des mouvements de masse de populations - réfugiés érythréens au Soudan, soudanais au Tchad, famines de 1985 et 2003 en Ethiopie.   Les situations rencontrées sont contrastées remarque Tasse Abaye,  car les vagues de famine n’ont pas les mêmes effets sur les campagnes et les villes. 80 à 85 % des populations déplacées vont dans les pays limitrophes et seulement 10 à 15 % vers l’Occident où l’émigration est un processus très sélectif : prix du voyage, organisations et réseaux conditionnent les chances de ces malheureux candidats à l’exil.

  Dans cette Corne déchirée  par les conflits, la « cité-état » de Djibouti se distingue par une certaine stabilité politique. Sa situation géostratégique lui permettant de surveiller les routes maritimes du pétrole,  le plus petit Etat de la région est au centre de plusieurs enjeux géopolitiques majeurs: intervention en Irak et au Moyen orient, rôle de sentinelle du golfe d’Aden et contrôle d’une sous-région instable, la lutte contre le terrorisme international. Sur le plan économique, la priorité de Djibouti, explique Colette Dubois, est de lancer un ambitieux programme de développement et de devenir un des grands ports d’éclatement de l’Afrique.

  L’eau est-elle source de conflit ? Y a-t-il un lien direct entre la pénurie d’eau, le développement et les guerres ? Ces questions sont cruciales dans une région connue pour ses sécheresses, notamment l’Ethiopie, et la réponse est complexe, répond Stephan Deconinck. Les voisins riverains du Nil se disputent depuis des décennies l’utilisation de ses eaux et les initiatives internationales – sommet de Rio, Déclaration du Millénaire, Sommet de Johannesburg - n’ont apporté, à ce jour, aucun progrès concret dans la région. Le 28 février 2004, les 53 pays africains membres de l’Union Africaine se sont engagés au sommet de Syrte en Libye à affecter 10% de leurs budgets au secteur de l’eau. Cependant, la Corne meurt toujours de soif et, comme le souligne l’auteur, le  développement durable en Afrique est aussi l’affaire des pays du Nord.

 Dans le contexte actuel de la mondialisation, la Corne et l’ensemble du continent s’éternisent dans le sous-développement tout en détenant le record mondial du nombre de d’organisations économiques sous-régionales – CEDEAO, UEMOA , UDEAC, CEMAC, SADC, COMESA…- chargées de promouvoir l’intégration économique.

 Les pays de la Corne, à l’exception de la Somalie, font partie du Marché Commun pour l’Afrique Australe et Orientale (COMESA), mais pour que l’intégration économique puisse être un facteur efficace de développement, il est nécessaire, explique Makhtar Diouf, qu’elle soit pensée en fonction du développement du continent et non pas au service de la mondialisation. Hélas, cela n’a jamais été le cas en Afrique.





Jean-Jacques Mallemanche



N.B.

Ce numéro a été réalisé  avec la collaboration de Giulia Bonacci