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Actualités
01.07.2008
-  élections
Bienvenue
L E S   C A H I E R S   D E 
             L ' A F R I Q U E
            R e v u e   d'é t u d e   e t   d e   r é f l e x i o n   s u r   l e   m o n d e   a f r i c a i n



Afrique de l'Ouest










Naissance
de l'intégration régionale

  Laurent Bossard*  
                                                                                         






*Laurent Bossard est responsable de l'unité du développement local et du Processus d'intégration régionale, CSAO-OCDE.




 Les Etats ouest-africains affirment politiquement leur volonté de coopération régionale, mais n’appliquent pas les textes communautaires qu’ils approuvent à travers les organisations inter gouvernementales ; ils entravent même la libre circulation des biens et des personnes ; lorsqu’ils ne le font pas officiellement, les innombrables barrages routiers s’en chargent en prélevant au passage des « taxes informelles ».  Quoiqu’il en soit, les échanges entre pays de la région sont insignifiants et lorsqu’ils existent, ils résultent plus des distorsions entre les politiques économiques et monétaires qu’ils n’expriment de réelles complémentarités 11 (2) Voir à ce sujet MEAGHER K. (2003), A back door to globalisation ? Structural adjustment, globalisation and transborder trade in West Africa, Review of African Political Economy No.95 © ROAPE Publications Ltd., 2003 ISSN 0305-6244.             .  Face à cette situation, les organisations telles la CEDEAO et l’UEMOA sont impuissantes. Elles ne disposent pas de moyens de rétorsion,  faiblement dotées en ressources humaines et financières, elles se contentent de survivre en attendant des jours meilleurs.


        
Voici résumé, en quelques mots abrupts, l’avis général sur le processus d’intégration régionale en Afrique au sud du Sahara et singulièrement en Afrique de l'Ouest. Ce constat amer fait écho à un plaidoyer sur la nécessité de l’intégration  basé sur le fait que les marchés nationaux sont  « trop petits » et que par conséquent seul un marché régional offrirait de réelles possibilités de développement. Ce discours est à certains égards contradictoire : si, comme on le dit, les échanges régionaux  sont structurellement faibles c’est que les économies nationales ne sont pas connectées entre elles. Si c’est le cas, aucune politique, aussi volontariste soit-elle, ne compensera l’absence de dynamique régionale. Dans ces conditions la construction économique régionale en Afrique de l'Ouest est un leurre. 

Pour dépasser ces contradictions, il nous semble utile de prendre le facteur temps en considération.  En effet, en 1970, alors que l’Afrique de l'Ouest comptait 90 millions d’habitants dont 80% de ruraux essentiellement tournés vers l’autoconsommation, aucune dynamique réelle de marché ne pouvait soutenir un projet régional d’intégration. C’est pourtant dans ces années là que sont nées les principales organisations d’intégration régionales.  Mais le temps semble avoir usé les convictions les plus sincères et le discours pessimiste est aujourd'hui largement majoritaire,  même si le débat politique en faveur de l’intégration a récemment repris de la vigueur.  

Dans les lignes qui suivent, nous développons des arguments indiquant que l’Afrique de l'Ouest est en train d’atteindre le niveau de densité de population, donc de production et d’échange, susceptible de justifier et de soutenir un projet d’intégration régionale de marché. Nous avons bien conscience que cette hypothèse fait face à une abondante littérature qui tend en grande partie à démontrer le contraire.  Il n’est pas dans notre propos de réfuter la valeur et les fondements scientifiques de ces travaux ; nous nous situons simplement à un niveau d’analyse différent, celui des évolutions structurelles sur la longue durée.  
 
Aujourd’hui, l’Afrique de l’Ouest  est en train d’atteindre le niveau de densité de population, donc de production et d’échange, susceptible de justifier et de soutenir un projet d’intégration régionale de marché. Notre hypothèse est fondée sur la prise en compte des évolutions structurelles à long terme.            

Le temps de l’intégration


Il est très souvent dit et écrit que les échanges régionaux  ne représentent qu’une part marginale du commerce extérieur des pays de la région.  On cite couramment des chiffres allant de 8 à 15%.  Ces chiffres et leur interprétation sont critiquables :

a-  ils se référent le plus souvent aux seules données statistiques des douanes et sont donc très largement sous-estimés ;
b-  ils expriment une comparaison en valeur et non en volume ; la valeur d’une tonne d’appareils d’éclairage électrique (que l’on importe généralement du marché mondial) est égale à la valeur de 200 tonnes de sorgho (qu’on se procure sur le marché régional);
c-  ils reposent sur des observations anciennes (le chiffre de 8%, encore régulièrement cité dans nombre d’articles, date de 1972 22 (3) Voir notamment, DEMBELE O. (2003), les expériences de polarisation spatiale en Afrique de l'Ouest, in “L’Afrique de l'Ouest dans la compétition mondiale, quels atouts possible ?»,  CSAO/OCDE, ed Karthala. .    

Ce dernier point est important d’autant que l’Afrique de l'Ouest, comme le reste de l’Afrique au sud du Sahara, subit une dynamique de peuplement remarquablement rapide et forte. La réalité d’aujourd'hui est très loin de celle d’hier et tout aussi éloignée de celle de demain. Quelques chiffres suffisent pour s’en convaincre : alors que le nombre d’habitants  de la région a triplé depuis 1960, la population urbaine a été multipliée par 9. 

Or, au cours de la même période on observe deux phénomènes concordants : la production agricole a augmenté au même rythme que la population et les importations alimentaires par habitant en provenance du marché mondial sont restées stables. Il s’est donc passé quelque chose de positif : la demande urbaine qui a quasiment décuplée a été principalement satisfaite par la production régionale. Les flux de produits agroalimentaires en direction des centres de consommation ont donc eux aussi suivis la même courbe ascendante.

 Si l’on décrit cette dynamique dans l’espace, on observe une évolution du réseau urbain qui s’étend rapidement (carte 1). D’autre part, de nombreux travaux confirment la forte corrélation entre la densité de la population rurale, la productivité agricole et la proximité des marchés urbains ; les villes exercent une influence croissante sur la production de leur hinterland rural. L’étude WALTPS 33 (4) West Africa Long Term Perspective Study. OCDE/Club du Sahel ; 1994.   a modélisé cette relation schématisée dans les cartes ci-dessous.  Les « tensions de marché » expriment la relation entre la proximité d’un marché urbain et la production agricole moyenne par habitant rural. On voit ici que les zones d’opportunité économique pour l’agriculture (tâches sombres)  s’étendent au fur et à mesure du développement du réseau urbain (carte ci-dessous).


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L'augmentation du nombre de marchés urbains entraîne donc une intensification de la demande et favorise un développement très rapide des échanges. Cette évolution est en train de passer un cap déterminant puisque l’Afrique de l'Ouest devient majoritairement urbaine.
Tous ces éléments convergent vers la conclusion qu’en volume, le commerce régional de produits agroalimentaires est « mécaniquement » en très forte croissance, ce qui n’apparaît pas clairement au niveau des flux transfrontaliers.
On peut se hasarder à des hypothèses statistiques aléatoires.  Par exemple, si 5% de la production céréalière de la région fait l’objet de commerce transfrontalier, cela fait quand même plus de 2 millions de tonnes par an, équivalant à 70.000 camions de 30 tonnes. On peut également s’appuyer sur des exemples concrets, mais ponctuels :

 Oignons

 Celui notamment de l’oignon du Niger. Produit à hauteur de 200.000 tonnes par an, il est en très grande partie exporté dans toute la région de l’Afrique de l’Ouest. Une enquête réalisée en 1993 4 montre que la seule ville d’Abidjan absorbait à l’époque 15% de cette production (soit 30.000 tonnes ou 1.000 camions de 30 tonnes). En 1993, la ville d’Abidjan avait 2 millions d’habitants ; elle en compte aujourd'hui 1.5 millions de plus... Dans 20 ou 25 ans, elle comptera plus ou moins 7 millions d’habitants ce qui, par projection, présage d’une demande très fortement croissante pour l’oignon nigérien que les ménagères ivoiriennes préfèrent à ceux importés, notamment des Pays-Bas.    
 
 Maïs

Le marché régional du maïs est également une réalité même s’il est difficile d’en évaluer le volume, des observations réalisées au premier trimestre 2002 par le LARES au Nigeria et dans les pays frontaliers sont édifiantes :
« Le trimestre sous revue a été marqué par un profond bouleversement des circuits de commercialisation du maïs. En effet, en dépit de l’apparition du maïs des récoltes précoces au Bénin et au Sud du Nigeria, le marché de ce produit est resté assez tendu durant tout le trimestre. Le prix du maïs béninois a augmenté à Niamey de même que celui du maïs nigérian à Lagos. Dans les villes du Nord Nigeria, les prix ont connu une hausse importante : 20% à Kano et 27% à Makarfi. Il s’en est suivi quelques tensions entre commerçants béninois et nigérians sur les marchés de collecte du Bénin. Cette conjoncture serrée a engendré l’apparition de flux extérieurs à la zone. Ainsi, par le Niger, a transité du maïs ivoirien, malien et ghanéen en direction du Nord Nigeria. On a noté également une ruée des négociants nigérians dans les régions frontalières du Bénin (Kétou, Pobè), et même plus à l’intérieur dans la zone d’Azovè. Dans cette dernière localité, c’est le maïs du Togo et du Ghana qui est acheté et convoyé vers le Nigeria ».

  Bétail
 
Le bétail constitue un autre exemple remarquable dont la dynamique régionale a été particulièrement favorisée  par la dévaluation du franc CFA en 1994.  Ainsi au Mali, on note après la dévaluation une explosion des prélèvements sur les troupeaux bovins et que « la part des exportations dans les prélèvements totaux est passée de 23% pendant la période 1990-1993 à 42% pour la période post dévaluation». 6

La Côte d’Ivoire ne produit que 44% de sa consommation en viande bovine ; en 2001, ses importations officielles en provenance de l’Afrique de l'Ouest s’élèvent à 25.000 Tonnes Equivalent Carcasse (TEC) 7. La réalité est évidemment bien au-delà. Si l’on fait un rapide calcul sur la base de la consommation moyenne annuelle de viande bovine estimée par le Programme Alimentaire Mondial (PAM) - 12 kg en milieu urbain et 2 kg en milieu rural -, on arrive à la conclusion que les importations en provenance de la région pourraient se situer autour de 75.000 tonnes, soit trois fois le chiffre officiel.  Le scénario tendanciel, à niveau de consommation égal, fait de la Côte d'Ivoire, un marché potentiel de 240.000 tonnes par an pour la viande ouest-africaine (cette croissance plus que proportionnelle étant due à l’augmentation du taux d’urbanisation).
    
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Après les hypothèses statistiques et les exemples de filières,  un troisième argument semble confirmer la densification rapide des échanges régionaux ouest-africains. Il s’agit du développement rapide du réseau urbain frontalier, en particulier entre les pays sahéliens et côtiers.    

Après les hypothèses statistiques et les exemples de filières,  un troisième argument semble confirmer la densification rapide des échanges régionaux ouest-africains. Il s'agit du développement rapide du réseau urbain frontalier, en particulier entre les pays sahéliens et côtiers.    
       La carte n°3 montre qu'il existe aujourd'hui une cinquantaine de villes de plus de 50.000 habitants dans un périmètre de 150 km autour des lignes frontalières.  Si l'on avait fait la même carte il y a 20 ans, une vingtaine de localités ne serait pas apparue. En 1960 n'apparaîtrait qu'une dizaine de 10 villes de plus de 50.000 habitants. Dans vingt ans, une quinzaine de localités supplémentaires se distinguera.  La très grande densité urbaine du Nord-Nigeria  et du Nord-Cameroun, préfigure ce que sera, dans une génération, le Sud-Niger, le Nord-Ghana, le Nord- Côte d'Ivoire et le Sud-ouest Sénégal. 
graphicDes zones transfrontalières à haute intensité d'échanges sont en train de naître « sous nos yeux ».  Elles sont les lieux de passage de la quasi totalité des échanges lointains entre le marché mondial et les pays enclavés et entre les pays sahéliens et les pays côtiers. Elles structurent également des échanges locaux-régionaux dont l'intensité grandit plus que proportionnellement à la croissance de la population. La carte n°4 schématise le fonctionnement de ces échanges. « Dans l'espace rural, les marchés semi ruraux ont chacun leur jour : lundi ici, mardi là … (sur le rythme de la semaine officielle ou de la semaine traditionnelle de 5 ou 6 jours) ; les commerçants d'un centre urbain proche « tournent » sur ces marchés ; des colporteurs s'y approvisionnent pour tourner ensuite dans les marchés de villages le reste de la semaine. Sur un marché semi rural on peut trouver des commerçants venus de deux ou trois centres urbains. Les commerçants qui approvisionnent plusieurs circuits se retrouvent, un jour de la semaine (le dimanche) dans les centres urbains pour le grand marché » 8.  
Les arguments développés ici nous amènent à la conclusion que la prise en compte des évolutions rapides de l'Afrique de l'Ouest est un élément clé de la réflexion et de l'action au service du processus d'intégration régionale.  Jusqu'à une période récente, il n'y avait pas de réelles dynamiques intégratives susceptibles de fonder les politiques d'intégration.  Comment dans ces conditions s'étonner du peu d'effet de ces politiques ? 

L'Afrique de l'Ouest est désormais entrée dans une phase de transition où les espaces économiques se connectent au-delà des frontières.  Cette phase de transition rapide  doit être au cœur de la politique d'intégration régionale qu'elle rend désormais possible. Le discours pessimiste (et scientifiquement argumenté) sur le peu de réalité de « l'intégration réelle » décrit en grande partie une période en voie d'être révolue.  Il serait dangereux de penser le présent et de préparer l'avenir avec les arguments du passé.     

Le retour de l'ambition politique régionale


Il semble, après une décennie d'essoufflement, que l'on assiste depuis peu à un net regain de l'intégration régionale dans les agendas politiques. Même si ce regain ne doit sans doute rien aux arguments développés plus haut,  la concordance est positive et doit être exploitée. 
Dans sa stratégie générale, l'Union Africaine souligne que « dans un contexte de mondialisation  et de régionalisation poussée, au Nord (Union européenne, ALENA) comme au Sud (MERCOSUR, ASEAN), l'intégration régionale doit être élevée au rang de modèle stratégique de transformation et de modernisation des économies africaines » 9

Début 2004, les chefs d'Etat et de gouvernement de la CEDEAO et la Banque mondiale ont organisé un sommet d'évaluation du processus d'intégration et de la mise en œuvre du Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique (NEPAD). Les participants ont reconnu le faible impact de ce processus sur le développement, en raison du manque d'application des décisions de la communauté. Ils ont appelé à des actions concrètes dans des domaines prioritaires .

Les nouveaux accords UE-ACP, tels qu'ils résultent de la Convention de Cotonou, prévoient de substituer à la relation globale entre les pays d'Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP) et l'Union Européenne (UE), des accords de partenariat économique (APE) - ou zones de libre-échange. L'Afrique de l'Ouest est relativement avancée dans ce processus puisqu'elle a déjà constitué le groupe de pays appelé à négocier le nouveau partenariat et à former le bloc régional constitutif d'une zone de libre-échange euro-africaine. Il s'agit de la Communauté Economique Des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), plus la Mauritanie.
Les Cadres Stratégiques de Réduction de la Pauvreté (CSRP) se mettent en place rapidement dans la sous-région sous l'impulsion de la Banque mondiale. Des portions considérables (parfois même majoritaires selon les pays) du Fonds européen de développement (FED) et de nombreuses aides bilatérales viennent s'ajouter aux facilités d'ajustement structurel pour fournir un appui budgétaire aux États. Pourvu qu'ils les planifient dans le cadre de leurs Documents Stratégiques de Réduction de la Pauvreté (DSRP), ces derniers vont disposer de marges de manœuvre plus importantes pour réaliser les projets d'infrastructures indispensables pour rattraper le retard accumulé en la matière.

L'inscription du local dans le processus d'intégration régionale


Puisque la « densité régionale » de l'Afrique de l'Ouest semble atteindre un niveau suffisant et que l'agenda politique régional est de nouveau sur les rails, Il fa    ut travailler désormais à la mise en synergie du « réel » et de « l'institutionnel ».
Il est intéressant de noter que l'approche de l'Union Africaine en matière d'intégration régionale  souligne à la fois que « les processus d'intégration doivent  tendre à redynamiser, le rôle des Etats et qu'il est opportun et légitime d'envisager la participation d'autres acteurs, en particulier ceux du secteur privé et de la société civile ». La bonne gouvernance, pierre angulaire de la mise en œuvre du NEPAD, impose que l'approche institutionnelle de l'intégration régionale telle qu'elle est pratiquée par les Etats et les Organisations Inter Gouvernementales (OIG), soit complétée par une approche « par le bas » impliquant les acteurs de terrain. Elle doit avoir  pour but de baser les politiques d'infrastructures sur des dynamiques géographiques, démographiques, économiques et sociales suffisamment homogènes pour maximiser leur effet multiplicateur. En cela, la stratégie de l'Union Africaine et les objectifs du NEPAD sont parfaitement en phase avec le développement régional « réel » émergeant. Ils confirment également la nécessité d'établir un pont entre la décentralisation et les politiques menées au niveau des OIG.
La décentralisation modifie en profondeur les conditions de mise en œuvre d'un grand nombre de politiques sectorielles nationales  - santé, éducation, équipement, etc. -, ainsi que la définition de stratégies locales de développement. Des textes de loi organisent des « transfert de compétences » aux pouvoirs locaux, avec des nouvelles responsabilités qui doivent leur permettre  de jouer un rôle important dans l'intégration régionale.

Enfin, les organisations inter-gouvernementales et les gouvernements qui les portent, affichent désormais une réelle volonté de dialogue avec les acteurs locaux.  Le gouvernement du Mali en est une parfaite illustration. Depuis plus de deux ans,  la Direction Nationale des Frontières du Ministère de l'Administration Territoriale et des Collectivités Locales travaille à la mise en œuvre du concept de « pays-frontière » mis en avant par l'ex-président Alpha Omar Konaré désormais aujourd'hui à la tête de la commission de l'Union Africaine.  La politique malienne est audacieuse ; elle se propose de développer le dialogue entre acteurs publics et privés de chaque côté de la  frontière, afin  d'initier des actions de développement en commun et d'assurer une gestion commune des équipements et infrastructures. Elle se double d'un important travail de lobbying auprès des autres Etats et institutions régionales.

Vers un nouveau dialogue


Etant souvent sur le terrain, témoins de ces dynamiques à la fois locales et régionales, nous pensons que l'Afrique de l'Ouest est en phase de transition où le processus économique d'intégration régionale peut avoir du sens.  Il suffit pour s'en convaincre d'interroger ceux qui vivent  cette mutation.  De plus en plus de villes frontalières sont jumelées ; les élus et même les représentants locaux des administrations nationales se concertent informellement et, dans bien des cas, dénouent des situations conflictuelles ou favorisent la coopération. Les responsables des marchés, des abattoirs, des gares routières, des Chambres de Commerce se rencontrent régulièrement pour évoquer leurs problèmes communs - projets d'aménagement de marchés, utilisation partagée d'infrastructures ...  
Ces acteurs locaux, privés et publics expriment de plus en plus leur volonté de contribuer aux politiques régionales. Dans le cadre d'un programme mené conjointement par le secrétariat du Club du Sahel et de l'Afrique de l'Ouest et Enda-Diapol tentent de témoigner de ces dynamiques  locales et de les rapprocher  du processus de coopération inter-gouvernemental. L'objectif est d'instaurer un dialogue permanent entre acteurs locaux et régionaux autour de projets concrets de coopération régionale.  
Il ne s'agit pas de remettre en cause les efforts consentis jusqu'à présent, mais d'affirmer que l'intégration régionale peut être accélérée par les initiatives et les propositions des populations transfrontalières, par des processus d'approfondissement associant deux ou plusieurs États au sein de « cercles concentriques », par la coopération décentralisée transfrontalière (qui reste à inventer), par des expériences de toutes sortes, mêmes modestes. Le chantier est vaste et ambitieux. Il doit donc être abordé pas à pas avec la patience requise pour  toute dynamique naissante 10


L. B.










Notes:


(1) Chef de l'Unité Développement local et processus d'intégration régionale, CSAO-OCDE. [email protected]

(2) Voir à ce sujet MEAGHER K. (2003), A back door to globalisation ? Structural adjustment, globalisation and transborder trade in West Africa, Review of African Political Economy No.95 © ROAPE Publications Ltd., 2003 ISSN 0305-6244.


(3) Voir notamment, DEMBELE O. (2003), les expériences de polarisation spatiale en Afrique de l'Ouest, in “L'Afrique de l'Ouest dans la compétition mondiale, quels atouts possible ?»,  CSAO/OCDE, ed Karthala.

(4) West Africa Long Term Perspective Study. OCDE/Club du Sahel ; 1994. 

(5) DAVID O. (1997), “L'oignon face aux évolutions du marché régional, le cas du marché ivoirien », Marchés Tropicaux, 2246

(6) LARES (2002), L'Echo des frontières, bulletin trimestriel n°22.  Consultable sur www.afriquefrontieres.org

(7) Institut du Sahel (2000), « Sécurité alimentaire et filières agricoles en Afrique de l'Ouest ; enjeux et perspectives quatre ans après la dévaluation du franc CFA ».

(8) Source : Direction de l'élevage de Côte d'Ivoire.

(9) ARNAUD M. (2003) , Réflexions sur le concept de pays-frontière et l'intégration régionale, CSAO/OCDE, Ed WABI. 

(10) Vision de l'Union Africaine et missions de la Commission de l'Union Africaine, projet final, février 2004.