
On parle malheureusement beaucoup du Mali. Laissez nous vous présenter une tradition malienne, qui a su coexister harmonieusement avec l’Islam, alors qu’elle vient de la culture pré-islamique et animiste de l’Afrique : les griots.
On ne devient pas griot ou Jeli. On naît dans une famille de griots comme les Diabate ou les Kouyate au Mali. Ils étaient les porte-paroles des princes et des rois. S’ils conservent encore aujourd’hui leur statut prépondérant dans la société africaine, certains ont aussi franchi les portes de la gloire planétaire grâce à leur musique. En faisant vibrer tous nos sens, elle s’est aussi imposée dans le grand marché commercial.
Les griots sont des passeurs d’histoire
« Un monde sans griots, c’est comme une bibliothèque sans livres ». Parole de griot (ou Jeli) qui éclaire bien le rôle primordial que jouent ces acteurs dans les sociétés de plusieurs pays d’Afrique. Ils sont à la fois poètes, philosophes, gardiens de la culture, médiateurs, louangeurs, conteurs de récits épiques. Ils sont la mémoire de l’oralité et leurs partitions relatent les grands récits de l’histoire de leur pays et de sa généalogie. Elles indiquent les chemins à suivre en société et justifient les interdits ou les devoirs de chacun.

Des griots chantent pour l’anniversaire de la Radio Kayira à Bamako
Photo sous licence CC BY NC SA de
En outre, le statut particulier des griots et leurs prérogatives se sont totalement intégrés à la pratique religieuse islamique. Ils célèbrent les étapes essentielles de la vie, de la circoncision au mariage et jusqu’aux funérailles.
La caste des griots existe dès les origines de la société mandingue

Mamani Keita – ici avec Nicolas Repac au festival des musiques du monde de 2007 – n’est pas un griot, mais un Horonw. Tout comme Salif Keita il pratique une musique issue de la tradition mandingue, qui intègre une partie de l’art des griots.
Photo sous licence CC BY NC ND de
Les Jeliw étaient déjà des piliers de la société de l’empire mandingue, jadis véritable carrefour entre les peuples nomades du Sahara et ceux de l’Afrique équatoriale. Aujourd’hui le pays Mandé s’étend sur plusieurs pays: Le Mali, le sud du Sénégal, la Gambie, une moitié nord de la Guinée Konakry, le nord de la Côte d’ivoire, le nord du Burkina Faso. La société, reposant sur un système de castes, est divisée en trois grand groupes:
- Les Horonw, hommes libres, guerriers nobles ou agriculteurs. Les Keitas en sont issus et font figure de héros désignés des récits épiques.
- Les Jonw ou esclaves, attachés à une famille ou prises de guerre, peuvent être vendus ou passer leur vie au service de leurs maîtres.
- Les Niamakalaw ou artisans.
Ce groupe inclut les artisans du feu, forgerons, fondeurs, armuriers, sculpteurs, bijoutiers, femmes potières et ceux qui travaillent le cuir.
Leur activité est héréditaire et ils sont détenteurs d’un pouvoir unique et mystérieux. Leur force commune leur vient de cette énergie, base de l’univers, à la fois naturelle et mystique que l’on appelle Nyama.
Elle agit comme un fluide, s’incarne en chaque être vivant, elle est une émanation de l’âme et de sa volonté, elle est la pensée qui induit les actes de la vie
La parole est matière, les griots la façonnent
Les Jeliw ou griots appartiennent à ce troisième groupe en tant qu’artisans de la matière « parole ». Nyama active l’énergie de la bouche et de la langue. De cet antre sortent les mots et leur magie, leur pouvoir bénéfique ou maléfique. Ceux qui les délivrent et les passent à l’envi exercent une étrange fascination, teintée d’autorité ou de méfiance.

Les griots des chasseurs en costume traditionnel, lors d’une fête au Niger en 1965
Photo sous licence CC BY NC SA par
Il faut préciser que cette parole doit être matière extérieure: celle que l’on travaille pour un récit ou un chant ou celle d’un tiers. La parole personnelle d’un griot n’a pas de valeur particulière à la différence de celle des Horonw.
Fermons les yeux un instant pour entendre les soufflets des forges qui poussent l’air en rythmes binaires telles des percussions frottées. A quelques pas, comme en contrepoint, les femmes pilent le millet en cadence. Une voix, un chant peuvent se mêler à l’harmonie qui se répand alentour.
Cette image souligne la parenté, le lien indéfectible qui unit ces êtres, leurs activités et la musique.

Fanta Griot chante à un mariage de notables
Photo sous licence CC BY NC SA de
« Quand la musique est bonne… » : la world music aime les griots
Est-ce cette musique omniprésente dans la société qu’ont entendue d’abord des imprésarios ou des journalistes occidentaux à l’instar de Lucy Duran de la BBC qui facilitera les contacts entre musiciens locaux et le monde de la production musicale?

Toumani Diabaté et son Symetric Orchestra, au Festival sur le Niger (Mali – 2007).
Photo sous licence CC BY NC SA par Damian Rafferty pour Fly Global Music Culture
Beaucoup d’éléments préexistent alors, qui peuvent favoriser la promotion de cette expression musicale. Le fonds en est riche, de nouveaux instruments plus modernes (guitares, batterie, cuivres) lui ont apporté de nouvelles couleurs dès les années 60, de nouveaux rythmes ont été introduits, comme ceux, jusqu’alors, spécifiques aux esclaves.Certains griots ont déjà fait évoluer les instruments traditionnels. Basekou Kouyate du Mali, par exemple, a créé toute une gamme de Ngoni, du plus grave au suraigu. Enfin, de même qu’ils revisitent l’histoire, les Jeliw revisitent la tradition musicale. Cette ouverture va leur procurer les clefs des portes de l’universalité. Au fil des décennies, des noms s’imposent dans le paysage musical. Du Mali viennent les Kouyate, les Diabate, Fantani Toure ou Bako Dagnon (griotes). Du Sénégal Youssou N’dour, Ndiaga Mbaye. De Guinée, Mory Kante et Ba Cissoko. De Côte d’Ivoire Serge Egué. De Gambie, Foday Musa Suso et Molamini Jobarteh. Liste non exhaustive, bien sûr!
Les dirigeants des compagnies discographiques et autres labels finiront par s’accorder sur le terme marketing de « world music », (une anecdote affirme qu’il est né dans le pub Londonien d’un disquaire) à fin de classer, tout de même, l’inclassable!
je suis Fan des musiques Africaines, je connais Mamani Keita,Yioussou N’Dour, Mory Kanté et d’autres. Le Goré instrument génial. Connaissant des Musiciens du Bénin H2O Assouka, qui font des tournées Internationales avec Musique, Danse et Chants, avec la Tradition de leur Pays avec du Griot partagé. à écouter, c’est d’actualité…
Merci pour votre témoignage ! Est ce que vous pouvez nous en dire plus sur cette formation ?
je vous en courage de tout ce que vous faite nous sommes des africains en doit sauvegarder notre culture moi je suis un artiste musicien je suis griot j’ai un album sur le marché je suis congolais de brazzaville
Sauvegarder les cultures signifie -t-il maintien de la servitude volontaire ? La castisation, si le mot est autorisé, permet -elle l’égale dignité humaine pour les personnes qui en sont frappées ou en sont victimes ? Si la musique et les autres formes d’expression artistiques font partie de notre espace culturel, il n’en demeure pas moins qu’il est devenu plus qu’urgent de se mobiliser pour combattre cet esclavagisme qui ne dit pas son nom et qui, sous le label culture , maintient dans ce que je considère comme le rejet des principes de liberté, de justice et d’égalité, en ce début du 21em siècle . Donc pour tout cela je suis en croisade contre cette stratification qui continue à condamner certains dans la servitude volontaire.. Vous ne faites que l’éloge de la négation de la vérité qui soutient que tous les hommes sont issus de Adam et d’Eve. Merci.
Les deux ne sont pas antinomiques, d’une part, et les castes, ou le pouvoir héréditaire, est largement répandu sans pour autant être lié à la culture.